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Aurez-vous assez de fonds pour vivre plus longtemps que prévu?

Emmanuelle Gril | 23 avril 2024, 10h37

Aurez-vous assez de fonds pour vivre plus longtemps que prévu? | Protégez-Vous.ca (protegez-vous.ca)

Planifier ses besoins financiers à la retraite en se basant uniquement sur son espérance de vie est périlleux. Voici pourquoi.

 Avez-vous été surpris lorsque votre planificateur financier vous a présenté une planification de retraite prévoyant que vous alliez vivre au-delà de 90 ans ? Pour ma part, le scénario va jusqu’à mes 96 ans. Bien que ma grand-mère maternelle ait vécu jusqu’à cet âge vénérable, qu’est-ce qui peut garantir que je me rendrais aussi loin ? 

Là où le bât blesse, c’est que plus on vit longtemps et plus notre épargne retraite devra être établie en conséquence. Bien sûr, on recevra à vie les rentes du gouvernement provincial et fédéral, et éventuellement le fonds de pension d’un employeur. Mais il reste que les économies personnelles (REER, CELI, etc.) feront une grande différence sur notre niveau de vie une fois que l’on aura quitté le marché du travail. Et c’est encore plus vrai pour ceux qui, comme moi, ne peuvent pas compter sur les rentes d’un employeur.

Risquer de survivre à ses économies

Bien malin qui peut prédire l’âge de son décès, mais selon l’Institut de la statistique du Québec, en 2022, l’espérance de vie était de 80,5 ans pour les hommes, et de 84,1 ans pour les femmes. Dans ce cas, pourquoi fixer une échéance aussi lointaine que mes 96 ans ? Jean-Philippe Vézina, planificateur financier et fiscaliste de l’Équipe Jean-Maurice Vézina, m’a expliqué que les professionnels du domaine doivent baser leurs calculs sur les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut de planification financière (IPF). Publiées chaque année, elles se veulent un guide permettant d’effectuer des projections financières réalistes à long terme, c’est-à-dire au-delà de 10 ans. Ces modèles d’évaluation très sophistiqués intègrent un grand nombre de variables et fournissent des lignes directrices sur différents éléments fondamentaux comme l’inflation, le rendement, le taux d’emprunt, mais également l’espérance de vie.

« Statistiquement, il y a une chance sur deux qu’une personne dépasse son espérance de vie. C’est comme tirer à pile ou face. Par conséquent, si on se base sur cet âge pour effectuer sa planification de retraite, on a 50 % de chance de manquer d’argent et de survivre à ses économies », mentionne Jean-Philippe Vézina. 

C’est pourquoi les Normes s’appuient plutôt sur la notion de probabilité de survie. L’IPF recommande d’utiliser une période de projection où cette probabilité n’excède pas 25 %. Par exemple, une femme de mon âge a 25 % de chance de vivre jusqu’à 96 ans, 50 % de chance de vivre jusqu’à 91 ans, et même 10 % de chance de se rendre à 100 ans ! Vous pouvez faire l’exercice pour vous-même ou pour votre conjoint sur cette page

Approche prudente

« Bien souvent, mes clients sont extrêmement surpris quand ils constatent que leur planification va jusqu’à 95 ans. Certains peuvent préférer une échéance plus courte, compte tenu de leur histoire médicale ou celle de leur famille, par exemple. Bien entendu, cela demeure leur choix, mais je leur explique les risques qui sont associés à cette décision », précise Jean-Philippe Vézina.

En revanche, d’autres sont émus et versent même quelques larmes dans le bureau du planificateur lorsqu’ils se rendent compte que leurs économies leur permettront de vivre confortablement bien plus longtemps qu’ils ne le pensaient.

En tout état de cause, Jean-Philippe Vézina préconise une approche prudente et propose aussi différentes hypothèses à ses clients. Car quelques années de vie de plus ou de moins auront des conséquences importantes sur la projection de retraite, de même qu’une l’inflation plus élevée que la moyenne anticipée, comme c’est le cas actuellement, ou des rendements plus faibles.

Voici un exemple chiffré éclairant :

Monsieur X et Madame Y ont 65 ans et sont à la retraite. Leur profil d’investisseur est prudent-modéré, et le taux moyen d’inflation de 2,10 % (le taux recommandé actuellement par les Normes).

Monsieur détient 250 000 $ en REER et 60 000 $ en CELI. Quant à Madame, son REER est de 350 000 $ et son CELI de 70 000 $.

Ils pourront retirer de leurs épargnes 5 400 $ par mois (après impôt) jusqu’à leurs 95 ans. Avec un plan qui fixe le décès à 85 ans, ils pourraient décaisser chaque mois 6 000 $ (après impôt) de leurs épargnes. En revanche, avec ce scénario, s’ils vivent jusqu’à 95 ans, ils manqueront d’argent pendant leurs dernières années de vie. Dans le jargon, c’est ce que l’on appelle le risque de longévité, un scénario que ni vous ni moi n’avons envie d’expérimenter.

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